Poisson dieppois, poisson de choix

Peu importe la souffrance, 

Peu importe l'effort, les privations et les blessures,

Je peux endurer mille injures, être tuer cent fois, 

Toujours je relèverais la tête, 

Pour voir mes ennemis abattus, à terre, humiliés, 

Je vis pour le bonheur de gouter le délicieux sel de leurs larmes de désespoir.

Jean-Michel Letanneur, 
Vainqueur du tournoi "Magic, the gathering" d'Ouville la rivière.
Juin 2006.


Lundi. Je suis revenu en Haute-Normandie.
Le week-end poker m'a vraiment trop matisé.

Je suis venu me dématisé un peu chez mon papa ours.
Zaba m'accompagne.
(je tiens à préciser que Zaba n'est pas, comme Herzog, un ami imaginaire)
Petite frite aux embruns sur la plage de Pourville, Grimbergen sur la plage de Dieppe, petit souvenir ému pour tout ces canadiens qui, 4 ans avant The debarquement, ont essayé une tentative mignonne mais vaine et suicidaire pour nous libérer, sur la plage de Puys.
Curry de poulet et pâtisserie de chez Divernet.
On se dématise à toute vitesse.

A tel point que finalement, parce qu'on est des couilles de loup, on se décide à aller terroriser les tables de cash au casino de Dieppe.

Le casino Partouche de Dieppe, c'est une expérience à faire.
On sent le faste passé.
Quand Dieppe était la station balnéaire la plus proche de Paris.
Mais c'était une autre époque.
Le feutre est usé, les cartes ont palies, la roulette grince, et les joueurs sont fanés.
Émouvant ce couple de smicard venu faire leur sortie du mois au cazingue.
Madame a mis la robe qu'elle avait acheté en solde pour le baptème du petit Kevin.
Et ses bijoux en faux plastique.
Monsieur a sorti son cuir et ses mocassins.
Monsieur est à la roulette, madame reste respectueusement en arrière à le regarder en souriant.
Monsieur sait ce qu'il fait.
C'est le cousin Jean-Claude qui lui a expliqué comment gagner à la roulette.
Il met tout sur le 6 papa !
C'est le 18 qui tombe.
Madame pousse un soupir.
Monsieur l'engueule.
Elle aurait du lui porter chance.
C'est son rôle, c'est pour ça qu'il lui a acheté ce nouveau maquillage.

Ils rentreront tristement vers leur médiocrité en se rêvant émus de cette soirée merveilleuse ou ils ont côtoyés les étoiles.

C'est dans cette ambiance délavée par le temps que nous arrivons Zaba et moi.
C'est de la NL400 à Dieppe. On ne rigole pas.
A ceci près qu'on peut caver de 50 à 250 euros !!!
En dehors de cette gigantesque absurdité de pouvoir caver à 12bb (ce que font la majeure partie des joueurs à Dieppe), ne pas pouvoir caver à 100bb, c'est du jamais vu.

Zaba : "C'est curieux de ne pas pouvoir caver à 100bb !"
Le croupier : "Mais on peut ! Vous n'êtes pas obligés de caver à 50 ou 250, vous pouvez caver à 100, à 150, ou 175 euros..."
Zaba et moi : "..."


Bon. On peut comprendre l’intérêt du caz.
Vu que les joueurs ont des profondeurs de merde, les caves s'envolent très vite.
High variance poker.
Les autochtones ont développés une technique pour s'adapter à ces faibles profondeurs, nous les détaillerons plus tard.
Mais pour faire court, les joueurs de Dieppe sont en avance sur le reste du monde.
Ils ont aboli le concept de "pot commited"
Si on était intelligent, on fuirait cette partie.
Mais on est là, on y reste.

Je vais faire court en ce qui me concerne.
J'ai barboté dans une décharge pendant 4 heures.
Passé mon temps à folder.
Je finis la session avec 20 euros de pertes.
Mais je me suis régalé avec cette marmite dieppoise.

Tout commence par ma paire de     UTG que j'ouvre à 22euros.
Un cabillaud a fait une option à 8. 
Je sens mon Zaba juste après moi un peu emmerdé.

Merde, il a une main aussi.
Je sens qu'il hésite à 3bet.
Il finit par call. 
Si on me mettais un flingue sur la tempe, je lui assignerais une range TT, JJ, et AQ.
Le cabillaud défend son option. 
J'aurais pu me dispenser de cette information.
Si il fait une option, ça n'est évidement pas pour folder.
Ça serait mal joué. 



Flop : 
Je cbet à 32, Zaba paye ainsi que le cabillaud.
Je pense que je suis très très souvent battu par Zaba. 
Du coup, je check sur la turn .
Et Zaba shove.
Le cabillaud insta call ses 82 euros restants. 
Zaba montre  et le cabillaud n'ouvre pas ses cartes.
La river est une magnifique
Zaba grimace.
Le cabillaud sourit et ouvre
Le cabillaud : " Hé ouais ! Chuis obligé. Préflop, j'ai déjà mis 8 et après je joue tout les trèfles, tout les valets et tout les 7."

Si je n'avais pas swap 40% avec Zabinou, je serais encore en train de rire.
Ce coup marque officiellement l'ouverture du festival "marmite dieppoise"

On a vu :

5 personnes partir à tapis sur un flop 
Finalement, c'est l'heureux détenteur de la bombe  qui s'adjugera le pot.

On a vu : 

Une sardine limp 4 euros, payer une relance à 32 euros, et folder sur le cb au flop.
Avec 14 euros restants.

On a vu : 

Un maquereau relancer préflop à 22 euros et envoyé 3barrels 24, 46, et 122 euros river sur le board : 

Toutes ces mises étant payées par le cabillaud avec .

Explications :
Le cabillaud : "Bah attends ! au flop, j'joue tout les 4, tout les 9, tout les As, et tout les 7. Sur la river, y a la doublette qui tombe. J'te vois avec AQ, donc je paye pour le split."

1 : Pourquoi diantre le voit-il sur AQ précisément ?
2 : A7 ne gagne pas contre AQ sur ce board.
3 : Hein ?


Le plus drôle dans l'histoire c'est que le maquereau était en bluff avec .
Cette main va le mettre en tilt jusqu'à la fin de la partie. 

On a vu : 

Un merlan avec 70 euros de tapis open raise à 30 euros UTG.
Le maquereau le call en BB.

Ils checkent tout les deux sur le flop 
Le maquereau check sur la turn
Le merlan fait un timide cbet à 20 euros avec 20 euros derrière et se fait check/raise à tapis.
Il rentre dans une intense réflexion. Visiblement il a une grosse décision à prendre.
20 euros dans un pot de 122, c'est pas simple. 
Il finit par call dans la douleur avec
Nous saluerons la noble tentative de bluff du maquereau avec .

On a vu : 

La sardine faire une option à 8 euros avec 40 euros de tapis.
Toute la table à l’exception de Zaba et moi paye l'option et la sardine quintuplera son stack en faisant full floppé avec .

On a vu : 

Zaba qui raise l'option du maquereau au bouton à 22 euros avec
Le maquereau avec 84 euros derrière défend son option.

Il check raise Zaba à tapis sur le flop .

Il ouvrira . 

 

Le maquereau en tilt : "Tain chuis trop poissard. Préflop ch'sais que t'as rien."

 

Zaba a jouer deux coups en 4 heures, ça doit être pour ça qu'il sait qu'il a rien. 

Du coup, la défense avec oop pour un cinquième de son stack se justifie puisque Zaba n'a rien. 

 

Le maquereau en tilt : "Ça me saoule. Au flop, j'suis max et l'autre il fait flush."

Bien malheureusement, la table ferme sans que je m'y attende. 

J'en reste frustré. 

 

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