Main n°22 : Le pot à 1000BB

Voilà 26 heures que je suis assis à la table.
Pas de sommeil pour les braves.


J'envoie des sacoches depuis hier après midi. 
Le plaisir de retrouver les poteaux de Basse-Normandie.
Et de retrouver un peu le live.
La partie de cash a repris vers 7 h00 du matin quand ceux qui sont aller se coucher vers 4h00 se sont réveillés.
J'ai eu un coup de mou vers 8 heure.
Le que l'on croit avoir relancer préflop se trouve être un au flop.
Mais un café et un bol de riz au lait plus loin, je reprend la partie.
Calm, cool, collected.

Nous jouons en 5 handed pendant que les autres s'escriment sur le mtt.
Heure après heure, je grapille les pots.
Des 50 euros de départ, je suis monté à 215.
En NL20.

Je souffre bien de quelques vertiges, d'un mal de ventre épouvantable et d'une migraine persistante qui m'empêche de réfléchir.
Mais sinon ça va.

Et puis Thibault arrive à table, cave à 40euros et s'assoit deux sièges à ma gauche.  

Vu la qualité de nos relations actuelles, il y a peu de chances que cet article contribue à les détériorer d'avantage. Je n'essaierai donc pas d'être délicat. 
Thibault possède une tenue de table déplorable, une tête à claque, un ego de compèt, une sournoiserie à faire pâlir Raspoutine, et une méchanceté latente qui s'échappe de tout les pores de sa peau.
Tout ça dans un seul homme.
Sans dèc, ce type est malsain. 
Je n'aime pas Thibault. Ça se sent ?

Du reste, la nature est bien faite, il ne m'aime pas non plus.

Je le cache beaucoup mieux que lui. C'est la seule différence.

Parce que le gars Thibault me cherche depuis le début du weekend.
Il rentre sur toutes mes relances, cherche à me provoquer,  me propose des concours de taille de bite toutes les 5 minutes.
Dieu que je hais quand le poker devient personnel.
Ce qui devait être un happy weekend à retrouver les poteaux se transforme en  24 heures du Mans de l'abnégation.
"Calme. Respire. Ne pas se lever et lui en coller une. Fais abstraction. Concentre toi sur ton jeu. Jette lui ce café chaud au visage. Non. Calme. Laaaaa. Sccchhhhtttt. Tourne toi vers tes potes. Souris. Calme."

Autant vous dire la joie que j'éprouve à le voir s’assoir à la table.
Je verrouille mon jeu.
Il a la position sur moi.
Je n'ai pas envie de jouer à l'ego et préfère attendre les bons spots.
20 minutes s'écoulent.
Quand j'ouvre à 0.70 UTG avec  .
Évidemment Thibault me call UTG+2, ainsi qu'un random dans les blinds.
Je cbet à 1.40 sur le flop 
Et Thibault me quasi minraise à 3.50.
Je dois être devant 95% du temps.
Le problème, c'est que Thibault ne lache jamais un bluff.
Je dois être prêt à payer trois barrels peu importe les cartes qui tomberont.
Le suis-je ? Oui.
Je call.

Turn :
Il barrel à 6.5.
Je snap call.

River :
Il barrel à 13.5.
Je snap call.

Thibault : "Ah merde, j'avais peur que t'ai l'as."

Je ne dis rien et  je retourne ma main.
Il la regarde, regarde sa main, souris, et retourne .

J'étais trop fatigué pour me rappeler de ce qu'il me lance à ce moment là.
Quelque chose de mesquin, d'humiliant, de sale.
Si je n'avais pas mis l'armoire normande dans le cul de mon chinois, sur qu'elle aurait été pour Thibault.

Nous en sommes là.
Vous ne pourrez pas me reprocher de ne pas avoir planter le décor.
Vous avez tout les éléments en main pour comprendre le background de ce coup à 1000bb qui a clos ce marathon poker.

J'ai laissé passer une orbite sans jouer une main.
Je suis assez surpris et heureux de constater que je ne ressens pas plus d'énervement ou de colère que ça.
J'ai progressé dans ce domaine. C'est bien.

Et j'ouvre UTG.
Je raise à 0.70. Encore.
Et Thibault me call UTG+2. Encore.
Ainsi qu'un random en BB. Encore

Le flop tombe :
Assez généreux ce flop.
Je cbet à 1.5. Et Thibault me raise à 5 euros.
Ce mec est pas croyable.
Bon. On est super deep. Peutêtre pas envie de partir à tapis avec juste un draw non max.
Je paye un barrel. Pas plus.

Turn : 
Boum. Il est mort.
Avec notre historique, je vais réussir assez facilement à l'emmener à tapis.
Je check pour le laisser barreler, ce qu'il s'empresse de faire à 7 euros.
Je raise à 15. Hors de question de slowpayé.
Un pique sur la river tuerait l'action, je veux faire grossir ce pot pour qu'on parte à tapis river si possible et son degré de testostérone est si élevé qu'il doit être capable de faire une énorme erreur quand je le check raise avec cette toute petite mise.
Induce time.

Mais il se contente de payer. Il doit avoir un bout de ce flop.
Une paire, un tirage pique...
Je prie pour que la river soit une blank.

Boom. 
En voilà une belle de blank.
Maintenant ou en sommes nous ?
Le pot  fait 42 euros, il lui reste un peu moins de 100.
Comment faire pour que tout vienne pour Papa ?
Je suis partagé entre faire une grosse value, à peu près certain d'être payé par une paire.
Ou faire encore une petite mise attrape-couillon, au risque de perdre de la value mais qui peut le pousser à bluff pour son stack.
Je choisis la deuxième option, cbet à 22 euros et il me shove la gueule.
Snap call. Halleluja. Un peu plus de 200 euros dans ce pot.
Sympa pour de la NL20.
Ah oui ! L'abbatage.
Une formalité.
Je retourne mon .
Et le sourire malsain de Thibault s'affiche quand il retourne  .

Que je hais quand le poker devient personnel.