L'hideuse transformation de Mr Kaviar

Voici deux articles en un.
J'ai écrit le premier comme une sonnette d'alarme mais je ne me suis pas résolu à le publier.
C'est un constat de ma déchéance.
Le deuxième est plus heureux.
Et les deux ensemble marchent bien.
Alors zou !!!
Garanti 100% sincère.



Ecrit le 31/05/2012 :

Il m'est difficile ce billet.
J'ai infiniment de mal à me supporter en ce moment.

Voilà que 15 jours se sont écoulées depuis mon run infâme de - 18 caves en 5000 mains.
15 jours ou la variance reste très violente.
Inutile de vous faire un dessin, vous savez ce qu'est un bad run.

Dans ce précédent article, je disais à quel point le badrun peut transformer un joueur.
Je ne savais pas encore à quel point.
Depuis ce downswing, je me suis transformé.
Je suis un grand émotif donc le terrain est fertile.


Les théories sur la variance sont engloutis, appris, et digérées.
Je sais que les deux seules réponses à apporter à une variance négative, c'est :
1/ Faire du volume
2/ Continuer à essayer de jouer le plus ev + possible.

Mais.

Maintenant les émotions l'emportent de plus en plus souvent sur la raison.

Je n'accepte plus de perdre.

Je vais invariablement m'énerver après une cave perdue.

Une mauvaise session, et elles sont nombreuses, va m'anéantir pendant une bonne demie heure ensuite.

Ma capacité de résilience se réduit de plus en plus.

Je passe une bonne partie de mes journées à cran, stressé, et avec une boule au ventre qui ne part quasiment pas.
(en bas à gauche)
(c'est peut être juste une crise d'appendicite en fait)

Je me mets à insulter tout haut des joueurs qui jouent comme des dindons et invariablement touche leur carte miracle.

Les autres parties de ma vie commence à en être affecté. Ou infecté.

Ma rousse commence à en avoir marre et elle a bien raison.

Mes conversations poker ressemblent à une longue plainte imbuvable et ininterrompu.

Les doux conseils de Master Zaba s'émoussent, s'estompent et laissent place aux violentes sensations d'injustice, de meurtre, de colère.

Le poker me rend malheureux en ce moment. Je pense que vous l'avez compris.

Et je ne sais pas comment remonter la pente.



Ecrit le 03/06/2012 :

Voilà.
Il suffisait juste que je me fasse confiance.
Je ne supporte pas d'être dépendant.
Aux drogues, à l'alcool, aux clopes, à quelqu'un, ou dans ce cas à la variance.
Mon auto-système de préservation s'est mis en route tout seul.
Je ne me supportais plus en Mr Kaviar.
Docteur Antonin a trouvé la potion pour inverser le processus tout seul.

C'est Zaba qui m'a mis sur la voie.
En me provoquant.

On était en train de jouer en skypant sur ongame, lui en 100, moi en 50.
Et comme d'habitude, je perds, et comme d'habitude je me plains.
Faut-il qu'il soit un saint pour ne pas se déconnecter de skype.

Je me plains donc.
Parce que le tirage ventrale est encore tombé,
Parce que mes premiums sont obligés de folder sur des horribles rivers, 
Parce que je n'arrive pas à m'installer au bon endroit à table,
Parce qu'un autre reg arrive, prend 7 caves en 20 minutes et repart,
Parce que le tirage ventrale est retombé,
Parce que mon TT ne tient pas face à JT sur un flop T83,
Parce que je missclick et snap call un shove d'un bon reg avec QJos,
Parce que OBV il a AA, il peut pas avoir AK,
Parce que je prends les blinds avec AA,
Parce que je ne prends pas les blinds avec 86os,
Parce que mon combo draw ne rentre pas,
Parce que,
Parce que,
Parce que...

Et Zaba tout d'un coup : "Putain, évidement il touche sa couleur"

Je m'arrête. C'est bizarre, Zaba il encaisse très bien ce genre de coup d'habitude.
Mais je sens une trace d'ironie dans sa voix.

Moi : "Si t'en a marre que je me plaigne, dis le moi directement"

Zaba : "..."

Je laisse pisser et nous reprenons le grind.
Puis 5 minutes plus tard :

Zaba : "Mais merde ! Évidemment mon AJ ne tient pas face au A4 de ce gros fish. J'en ai marre."

Bon d'accord, il se fout de ma gueule.
Je suis vexé.

Moi : "Ok Zaba, Je me casse. A plus tard."

Et je coupe la communication.


Je regrette une milli-seconde après.
Mais quel con. A quoi j'en suis réduit.
Ça fait 15 jours que je peste, que je suis énervé, que je suis stressé.
C'est ça que j'ai envie d'être ? Que j'ai envie de vivre ?
Je vais me laisser pourrir la vie pour un truc auquel je ne peux rien changer ?
Un déclic se fait en moi.
Je me rappelle ce que j'expliquais aux filles en pleurs pour les draguer quand j'avais 20 ans.
Les petites théories fumeuses de jeune philosophe improvisé.
Voici en substance ce que je leur expliquais :

Moi qui drague :
"Face à un événement désagréable, tu as deux choix possible :
1/ Tu le prends mal
2/ Tu le prends bien
Ça ne change rien à l’événement en question. 
La seule différence c'est que dans le premier cas, tu le vis mal, dans le deuxième, tu le vis bien. 
Au final c'est une question de choix. 
Sinon, ça te dis que j'aille acheter une bouteille de vodka ?"

Je retrouve soudainement un calme que j'ai perdu depuis trois semaines.

Et des résolutions commencent à se former et s'affermissent.
Je ne veux pas vivre ça.
Et je ne le vivrais plus.
C'est aussi con que ça.
Et chez moi, ça marche assez bien ce genre de résolution spontané.
Demandez à ma rousse comment j'ai arrêté de fumer....


Je cours chercher un papier et un stylo.
Et j'écris mes mantras. (Si un bouddhiste s'est perdu dans ces pages, je m'excuse de l'utilisation un peu sauvage, personnel, et inexact du mot)
Ils sont collés sous l'écran de mon ordinateur, à lire si je sens que la pression monte.

SIT OUT

Ferme les yeux et respire 1 minute

Tu es un bon joueur

La variance ne t'affecte pas

Ne te plains jamais

Ne regarde plus tes résultats sur le tracker

La variance est injuste et c'est pas grave

La session finie, ferme les yeux, respire et laisse le poker derrière toi

Voilà 3 jours que le changement s'est opéré.

La variance est toujours aussi dégueulasse.

Mais la grande différence, c'est que je m'en fous.

Très honnêtement. 

Plus aucun sentiment d'énervement, de colère ou de frustration.

J'en reste comme deux ronds de flan. (recyclage d'expression périmée)

S'en est presque spectaculaire. 

Il y aura sans doute des rechutes mais un cap est passé.

Encore un petit pas vers la voie du sage. 

Je tiens à prévenir mon jeune lectorat que le coup de la phrase, ça marche pas. 

La vodka par contre...